Avec l’agression de l’Ukraine par la Russie, le calendrier de l’Union européenne va s’accélérer dans les domaines de la défense, de l’énergie et de l’accueil des réfugiés, annonce François Comet, secrétaire national adjoint du Parti Socialiste à l’Europe.
Cap Finistère : Comment expliquer que Vladimir Poutine se soit engagé dans cette guerre ?
François Comet : Je crois qu’il s’attendait à une opération très rapide. Pour lui, l’entrée de ses troupes en Ukraine devait provoquer la chute rapide du gouvernement Zelensky et les Occidentaux n’auraient réagi que mollement. Un peu comme en 2014, lorsqu’il avait annexé la Crimée. Mais il n’avait sans doute pas anticipé la résistance ukrainienne et la détermination des Européens. Il n’avait probablement pas non plus mesuré l’hostilité d’une grande partie des Russes à cette guerre menée contre leurs cousins ukrainiens.
Cap Finistère : Les Socialistes européens parlent-ils d’une seule voix ?
François Comet : Oui. Les représentants du PSE se sont retrouvés au lendemain de l’attaque russe contre l’Ukraine et se sont très rapidement mis d’accord sur un communiqué commun pour condamner cette agression et exiger le retrait des troupes russes et l’annulation de la reconnaissance des républiques autoproclamées du Donetsk et de Lougansk. Ils ont demandé que des sanctions fortes soient prises contre le pouvoir russe. Ils ont insisté sur l’accueil digne des réfugiés. Ils ont également demandé à ce que des mesures soient prises pour accompagner les plus modestes qui seront impactés par la hausse du coût de l’énergie.
Cap Finistère : Cette guerre va-t-elle avoir des répercussions sur l’élargissement de l’Union à de nouveaux pays, dont l’Ukraine ?
François Comet : Évidemment. Nous ne pouvons pas décevoir les Ukrainiens. Mais il ne faut surtout pas croire que l’Ukraine puisse devenir le 28e membre de l’UE dans les mois qui viennent. Aujourd’hui, cinq pays sont à la porte de l’UE. Pour la Turquie les discussions sont au point mort. En ce qui concerne les Balkans, les discussions sont déjà bien avancées avec la Serbie et le Monténégro, même si la russophilie des Serbes peut poser quelques problèmes. L’Albanie et la Macédoine du Nord sont officiellement candidates, mais les négociations n’ont pas encore commencé. Emmanuel Macron s’était montré très réticent concernant l’élargissement de l’UE, contrairement à la nouvelle coalition allemande. L’inscription de l’Ukraine comme pays candidat à l’adhésion est un acte fort. Mais, il faudra probablement plusieurs années pour que l’Ukraine remplisse toutes les conditions d’adhésion à l’UE.
Cap Finistère : L’Europe de la défense va-t-elle enfin voir le jour ?
François Comet : En tout cas, je pense que le discours prononcé par Olaf Scholz, dans lequel il annonce 100 milliards d’euros pour équiper l’armée allemande, peut être considéré comme un tournant historique. Il y a à peine quelques semaines l’Allemagne s’était opposée à ce que les Pays-Bas livrent des armes allemandes à l’Ukraine. C’est une évolution majeure depuis la fin de la seconde guerre mondiale, même s’il faut bien être conscient qu’il s’agira essentiellement d’un rattrapage, compte tenu du niveau d’équipement de l’armée allemande. Cependant, il faut être attentifs à ce que ces milliards contribuent à accélérer la mise en place d’une défense européenne. Il ne faudrait pas que cet effort se traduise uniquement par des importations d’armes américaines.
Cap Finistère : Peut-on dire que l’agression de l’Ukraine par la Russie va accélérer l’agenda européen ?
François Comet : Bien sûr. On vient de le voir pour l’Europe de la défense, mais la construction va se renforcer dans d’autres domaines. Je pense notamment à l’accueil des réfugiés. Les pays de l’Est, qui étaient les plus réticents à en accueillir lorsqu’ils venaient du Moyen-Orient, sont désormais en première ligne et auront besoin de l’aide européenne pour héberger les dizaines, voire les centaines de milliers de réfugiés Ukrainiens.
Et naturellement l’Europe de l’énergie aussi va se renforcer. Les Européens disposent de suffisamment de gaz pour passer l’hiver. Mais, les réserves ne sont pas réparties équitablement et ne se trouvent pas automatiquement dans les pays qui en ont le plus besoin. Il faudra donc que les États sachent faire preuve de solidarité. La question de la dépendance au gaz russe est clairement posée. Les propositions les plus ambitieuses de la Commission prévoyaient que l’UE puisse s’en passer en 2030. Il va rapidement falloir trouver des alternatives pour raccourcir ce délai.
Article publié dans le Cap Finistère n°1385 du 11 mars 2022