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Les leçons de Callac

Comment un simple projet de réhabilitation d’un immeuble désaffecté du centre de Callac, destiné à accueillir quelques familles de réfugiés, a pu déchainer autant de haine ? Au point que le projet ait été ajourné et que des journalistes aient été menacés de mort ? C’est ce qu’explique Erwan Chartier-Le Floch dans « Callac de Bretagne ou les obsessions de l’extrême-droite française », (éditions Penn Bazh).

Erwan Chartier-Le Floch, rédacteur en chef du Poher-hebdo a personnellement été un des acteurs de cette affaire qui a embrasé le centre-Bretagne entre avril 2022 et février 2023. D’abord, en tant que journaliste, en informant ses lecteurs de l’avancement du projet et en donnant la parole à ses promoteurs comme à ses détracteurs. Puis en tant que victime de menaces de mort, précisément pour avoir couvert les événements.

Le 25 février 2023 à Carhaix

Ce livre, présenté comme un « feuilleton », aurait pu s’intituler « chronique d’un échec annoncé ». En effet, le rédacteur en chef du Poher hebdo revient sur les maladresses de communication lorsque le projet a été annoncé.

Mais il décrypte surtout les méthodes de l’extrême-droite, sur le terrain, et encore plus sur internet et les réseaux sociaux. Les associations humanitaires ou les fondations qui souhaitent venir en aide aux migrant.es, ainsi que les élu.es concerné.es, doivent savoir que, ce qui, pour eux, relève simplement de la solidarité et de l’entraide, est considéré, par une frange de l’extrême-droite, comme une « invasion », baptisée « grand remplacement ». D’où la mauvaise foi, les mensonges, les manipulations, et fatalement, les intimidations.

La mairie de Callac et la fondation Merci n’ont pas pu résister à la tempête médiatique qui a déferlé. Ce qui n’était qu’un projet de revitalisation urbaine et d’accueil de quelques familles de réfugiés, s’est transformé, grâce à l’activisme de sites d’extrême-droite, et à la complicité de médias « mainstream », en une opération visant à remplacer la population callacoise.

Le pic de l’agitation est intervenu quelques semaines après la défaite d’Éric Zémmour à la Présidentielle, à un moment où son parti avait absolument besoin de rebondir. Tous les moyens du parti ont été mobilisés pour donner une envergure nationale au projet horizon de Callac. Outre les deux manifestations, Reconquête a tenu une réunion publique en présence d’un de ses dirigeants, Guillaume Peltier. Gilbert Collard a quant à lui été dépêché dans le centre-Bretagne pour « ambiancer », avec d’autres, l’une des manifestations.

Ce feuilleton décrit toute une mouvance, un écosystème numérique, développés depuis plusieurs années. Cette stratégie de la tension, entretenue par la fachosphère, a eu raison de la détermination des élu.es de Callac qui ont annoncé, le 11 janvier 2023, renoncer au projet.

Durant une manifestation, Erwan Chartier-Le Floch a été pris à parti et menacé par des individus qui ne souhaitaient manifestement pas que leur présence en Bretagne soit révélée. Des sites de la fachosphère l’ont pris pour cible. Les textes publiés tombaient clairement sous le coup de la diffamation.  Quelques jours après l’annonce de l’abandon du projet, son avocat a adressé une assignation à l’un des auteurs de ces diatribes. Comme par hasard, quelques heures plus tard, Erwan Chartier-Le Floch a reçu des menaces de mort et les locaux du Poher Hebdo ont été la cible d’une alerte à la bombe.

Le 25 février 2023 à Carhaix

Ces atteintes à la liberté de la presse ont été unanimement condamnées. Elu.es, partis, associations ou syndicats ont dénoncé ces menaces. Plus de 600 personnes se sont retrouvées, le 25 février 2023, devant la mairie de Carhaix pour soutenir Erwan Chartier-Le Floch, défendre la liberté de la presse et plus largement pour dénoncer la montée en puissance de l’extrême-droite en Bretagne.

Et maintenant ? Les tenants du « grand remplacement », considèrent Callac comme une victoire. Ils et elles pensent avoir apporté la démonstration qu’à coups de rumeurs, de mensonges, d’intimidations, il est possible de faire céder des élu.es. Mais ce livre montre qu’il s’agit d’une victoire à la Pyrrhus. Précisément parce que le « grand remplacement » n’est qu’un mythe.

Ce livre est un témoignage précieux pour toutes celles et tous ceux qui pourraient se trouver en butte à l’extrême-droite. Oui, la fachosphère dispose d’une force de frappe médiatique impressionnante. Oui, galvanisés par des discours identitaires, ses militant.es peuvent devenir violent.es. Mais, grâce à ce témoignage, elle ne pourra plus jouer sur l’effet de surprise. Chacun sait maintenant qu’il ne faut surtout pas céder aux menaces, qu’il ne faut rien laisser passer, qu’il faut défendre la liberté de la presse. Voilà la leçon de Callac.

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