En annonçant qu’il voulait « retirer » la région Auvergne-Rhône Alpes du dispositif Zéro artificialisation net (ZAN) Laurent Wauquiez a voulu flatter une partie de son électorat. Car ce n’est ni possible, ni souhaitable explique Sébastien Miossec, président délégué d’ « Intercommunalités de France » et référent ZAN au sein de l’association.
Le terme « ruralicide » est totalement déplacé
PS29 : Laurent Wauquiez a-t-il vraiment le pouvoir d’exclure sa région du ZAN ?
Sébastien Miossec : Non, la loi est très claire : les collectivités disposent d’un délai pour adapter leurs documents d’urbanisme, mais en cas de carence, comme dans beaucoup d’autres cas, les préfets prendront la main. Cette annonce fracassante n’est, à mon avis, qu’une opération de communication politique destinée à flatter quelques élu.es inquiets, parfois à juste titre, dans certaines zones rurales notamment. Oui, il y a de l’inquiétude, en particulier dans des régions qui n’ont pas la culture des documents d’urbanisme, ce qui n’est pas le cas en Bretagne. Le terme « ruralicide » est totalement déplacé. D’autant que les régions doivent justement territorialiser les efforts. Si Laurent Wauquiez veut qu’ils reposent davantage sur les zones urbaines que sur les zones rurales, il peut le faire. Mais apparemment, il a choisi de faire des effets d’annonces plutôt que d’engager la concertation avec les élu.es de sa région. Il se défausse de ses responsabilités au lieu d’organiser l’aménagement de son territoire.
Il reste des marges de manœuvre.
PS29 : Tu as régulièrement déploré le choix d’un objectif qui commence par « zéro ».
Sébastien Miossec : Tout à fait. Utiliser le mot « zéro » comme perspective d’avenir, avouons que ce n’est pas très engageant… Ce « zéro » peut laisser croire qu’il n’existe aucune marge de manœuvre or ce n’est pas le cas. On ne demande pas aux élu.es de stopper toute construction du jour au lendemain. On leur demande de diviser la consommation de foncier par 2, d’ici 10 ans, puis encore par 2 d’ici 20 ans. C’est peu ou prou le même rythme que ce qu’on a connu ses 10 dernières années. Il reste des marges de manœuvre.
Et les élu.es qui font croire que des projets sont aujourd’hui déjà menacés mentent puisque le dispositif n’est pas encore appliqué. Ce zéro inquiète et Laurent Wauquiez, par pure démagogie, à la manière d’un Donald Trump du Puy en Velay, en a profité. Et est malheureusement rejoint par certains de ses amis politiques…
L’arrêt de l’étalement urbain inconsidéré est une nécessité
PS29 : On est pourtant face à un enjeu essentiel pour mener à bien notre transition écologique.
Sébastien Miossec : L’arrêt de l’étalement urbain inconsidéré est une nécessité. C’est clairement ressorti de la convention citoyenne sur le climat. Le modèle actuel, qui consiste à construire des lotissements de maisons individuelles, au détriment de terres agricoles, et à rallonger sans cesse les distances entre les zones d’habitation, de travail et de consommation n’est plus tenable. C’est un impératif écologique mais également social.
C’est d’ailleurs paradoxal, de la part de Laurent Wauquiez qui se présente comme le chantre de la ruralité. C’est bien le modèle actuel qui asphyxie les centre-bourgs et favorise les zones commerciales périphériques.
Les élu.es n’ont pas attendu cette loi pour faire preuve de sobriété. En 20 ans, à Quimperlé communauté, par exemple, nous sommes passé de 54 à 14 hectares urbanisés chaque année.
Changer de modèle n’est jamais facile. Il faut expliquer et accompagner et c’est le rôle des élu.es. Il faut densifier notre habitat. Il y a quelques années, on aménageait des lotissements avec moins de 10 logements par hectare. Nos centres-bourg, avec nos places et nos équipements publics, sont souvent construits à 30 ou 40 logements à l’hectare. C’est donc tout à fait envisageable de construire plus dense, même en ruralité, sans altérer la qualité de vie des habitant.es. En tant qu’élu.es, notre mission consiste à anticiper, certainement pas à rester figés sur un modèle qui n’est plus viable.