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Pour retrouver le peuple, retissons les liens 

Alors que tout le projet socialiste vise à améliorer les conditions de vie des plus modestes, les électrices et les électeurs des quartiers populaires votent de moins en moins pour ses candidat-es. Comment expliquer et surtout corriger ce paradoxe ?  C’est la tâche que s’est fixé le PS avec la convention nationale « Retrouvons le peuple » co-animée par Sarah Kerriche et Philippe Brun.

Sonia Zamai

Le député de l’Eure était à Morlaix le 7 juillet pour participer au point d’étape organisé par la fédération du Finistère. « Cette soirée avait pour objectif de présenter les contributions, d’adhérents, de sections ou de regroupements de sections, mais aussi de donner la parole à des responsables associatifs ou syndicaux » explique Sonia Zamai, chargée de l’animation de ce temps d’échanges.

Il faut affronter cette réalité car on voit le spectre qui nous fait face : celui d’une victoire de l’extrême-droite en 2027

« Les Françaises et les Français ont du mal à voir ce que défend le Parti Socialiste et la gauche. Aujourd’hui, les ouvriers, les employés, les caissières, les caristes, les préparateurs de commandes, les chauffeurs de poids-lourds… votent, soit pour le rassemblement national, soit s’abstiennent. Ceux que nous avons vocation à défendre, ceux pour lesquels nous écrivons des programmes, ceux pour qui nous nous battons tous les jours dans les communes, les collectivités, ne nous font plus confiance » a reconnu Philippe Brun.

Philippe Brun le 7 juillet 2023 à Morlaix

 

La gauche doit accepter la complexité du monde et savoir faire preuve de pédagogie

 

Le lien entre le PS et le peuple ne s’est pas rompu brutalement. Il s’est effiloché au fil des années et au gré des événements. Plusieurs épisodes ont rythmé cette évolution qu’on peut faire débuter au milieu des années 80, lorsque la « Révolution libérale », menée par Reagan et Thatcher battait son plein. La division internationale du travail a contribué à détruire des pans entiers de l’industrie. « La mondialisation a été vécue comme une punition » a insisté Vincent Verbeque de la section des Abers. « La gauche doit accepter la complexité du monde et savoir faire preuve de pédagogie pour expliquer les mutations et rappeler que les différences culturelles constituent une richesse. »

Mais le phénomène s’est encore accentué ces dernières années. « En 2011, lorsque j’ai été élue conseillère départementale, Recouvrance votait socialiste et maintenant le quartier vote à l’extrême-droite ou France Insoumise » a rappelé Marie Gueye.

Pour Clarisse Réalé, de Châteaulin, « lorsqu’on discute avec des électeurs d’extrême-droite, leur vote s’explique, en partie,  par le sentiment que tous les autres choix ne servent à rien ».

« Quelque chose s’est rompu à partir de 2012 » a reconnu Philippe Brun. « François Hollande est le dernier candidat socialiste à avoir su capter l’électorat populaire. Et d’ailleurs, pour comprendre ce qui s’est passé, le comité de pilotage de la convention va prochainement auditionner l’ancien président pour connaître son point de vue ».

 

La division des classes populaires, c’est la victoire du capitalisme 

Sonia Zamai a résumé en une formule une idée présente dans quasiment toutes les contributions : « La division des classes populaires, c’est la victoire du capitalisme ».

 

« Nous devons faire attention aux mots que nous employons » a insisté Nathalie Sarrabezolles. Les allocataires de prestations sociales ne sont pas des « bénéficiaires » qui recevraient indûment un revenu et vivraient aux crochets de la société. »

Pour la conseillère départementale, « il faut aussi associer les citoyens aux décisions publiques, en particulier celles et ceux qui sont les plus éloignés du débat public. »

Frederic Huon (CFDT)

« Nous vivons dans une société où l’entreprise serait, a priori, parée de toutes les vertus alors que les allocataires de prestations sociales seraient, par principe des fraudeurs en puissance » a de son côté déploré Frédéric Huon, secrétaire général de la CFDT.

Les personnes que nous aidons sont à 2 euros près

« Le Secours Populaire de Morlaix, a été créé en 1971 » a rappelé Jean-François Le Borgne. « A l’origine, nous n’accompagnions que quelques familles. Aujourd’hui, 850 se tournent vers nous soit environ 1800 personnes : 50 % de personnes seules, 30 % de familles monoparentales et 20% de familles.  Plusieurs raisons expliquent le recours au Secours Populaire : l’échec scolaire, des addictions, un manque de soutien familial… « Mais les personnes qui s’adressent à nous ne viennent pas pour « profiter » » a insisté Jean-François Le Borgne. « Nous demandons, pour les colis alimentaires, une participation de 2 euros. C’est une question de dignité. A la fin du mois, nous constatons que nous distribuons moins de colis alimentaires. Les personnes que nous aidons sont à 2 euros près. »

Jean-François Le Borgne (Secours Populaire)

Au fil du temps, le nombre de personnes accompagnées augmente. « On voit de plus en plus de retraité-es, et de travailleurs pauvres, le plus souvent en intérim ou à mi-temps. »

Implanté dans le paysage social, le Secours populaire, comme les autres organisations caritatives, se sont « institutionnalisées » aux yeux des pouvoirs publics. « Lorsque l’État décide d’implanter des CADA (Centre d’accueil des demandeurs d’asile), il considère normal que les demandeurs d’asile, qui ne perçoivent que 6 euros par jour, se tournent vers le Secours Populaire pour se nourrir. »

Le peuple a peur de perdre les services publics. Soit qu’ils disparaissent, par faute de moyens ou parce qu’ils sont privatisés mais aussi parce qu’ils se numérisent. « Or, la fracture numérique s’accroît et crée un sentiment d’abandon dans une partie de plus en plus importante de la population qui considère les démarches en ligne comme de véritables casse-têtes » a souligné Marie-Hélène Jestin, de la section des Abers.

Pour Philippe Brun, « il faut effectivement renouer les liens entre les services publics et les citoyens qui estiment qu’ils paient de plus en plus d’impôts mais que le service rendu se détériore. » Le député de l’Eure a cependant donné une note d’espoir : la renationalisation d’EDF a été plébiscitée par les usagers qui comprennent bien que la logique libérale, dans le secteur de l’énergie, peut provoquer des catastrophes.

Pour réinscrire l’obligation d’adhérer à un syndicat ou à une association dans les statuts du PS

 

Pour « retrouver le peuple » le Parti Socialiste doit retrouver ce qui lui avait permis de le trouver dans les années 70. Et donc de renouer avec ce qui avait sa force à l’époque : l’obligation statutaire, pour ses adhérentes et ses adhérents d’appartenir à un syndicat ou une association.

A Morlaix le 7 juillet 2023

Faut-il rendre le vote obligatoire, comme le propose la section des Abers, pour retrouver les suffrages des classes populaires ? La question est évidemment posée, et le débat doit être engagé, compte tenu du niveau de l’abstention. Cependant, qui dit obligation dit sanction. Trop sévère, elle peut se révéler injuste et contreproductive. Trop clémente, elle risque d’apparaître comme inutile. « En revanche la reconnaissance du vote blanc devient indispensable » a estimé Marylise Lebranchu.

Pour la parité populaire

« Retrouver le peuple », ça consiste aussi à présenter des candidat-es plus représentatifs de la société. « Je plaide pour ma part pour la parité populaire qui permettrait que le groupe socialiste à l’Assemblée, mais aussi nos assemblées municipales, départementales ou régionales soient plus représentative de la société » a précisé Philippe Brun.

Lorsqu’on prend des engagements, il faut les tenir 

« Les électrices et les électeurs comprennent très bien qu’on ne peut pas tout faire, mais lorsqu’on prend des engagements, il faut les tenir » a complété le maire de Morlaix, Jean-Paul Vermot.

« A cet égard, l’échelle municipale est la plus intéressante puisqu’elle permet de constater assez rapidement les effets réels des décisions que prennent les élu-es » a souligné le maire de Plouégat-Guérand, Renaud de Clermont-Tonnerre.

« Tout le monde peut se tromper » a admis Marylise Lebranchu. « Mais il faut, d’une part savoir le reconnaître, et d’autre part en tirer les leçons pour ne pas récidiver ».

Marylise Lebranchu et Jean-Paul Vermot

Avec la convention « Retrouvons le peuple », les Socialistes doivent affronter cette réalité. « Car on voit bien le spectre qui nous fait face » a prévenu Philippe Brun : « celui d’une victoire de l’extrême-droite en 2027. Personne ne peut s’y résoudre et c’est pourquoi nous devons rapidement recréer la confiance ».

 

 

Rappel de l’agenda de la convention « Retrouvons le peuple » :

  • Campagne d’écoute en porte à porte : 19 juin au 30 septembre
  • Date limite pour remonter une contribution : 20 septembre
  • Présentation du texte de synthèse en Conseil national : 30 septembre
  • Présentation des propositions soumises au vote des militants en Bureau national : mardi 10 octobre
  • Vote militant sur les propositions : le 9 novembre
  • Événement final de la Convention : 18 novembre

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