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Le temps des femmes : le texte proposé au vote du 30 novembre

Le temps de la rupture avec l’ordre patriarcal est venu. Et pour paraphraser François Mitterrand, celui ou celle qui n’est pas prêt à rompre avec lui ne peut plus se dire socialiste. C’est tout le sens de ce texte.

Nous ne voulons plus d’une organisation sociale où le pouvoir est dominé par les hommes. Nous voulons la transition féministe. Nous la voulons pleinement, sans réserve ni codicille, sans « oui, mais… » ni notes de bas de page. Nous la voulons pour nous-mêmes, socialistes, parce que nous la portons au nom des femmes, avec elles et pour elles. Nous choisissons de nous y engager ici et maintenant pour être à même de prendre ce chemin en 2027, avec l’ensemble de la société.

La lutte pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes est une longue marche. Elle doit beaucoup à ses pionnières, qui ont posé des jalons, au péril de leur carrière, de leur réputation ou de leur vie.

Pour que les citoyennes aient les mêmes droits que les citoyens, Olympe de Gouges a perdu la sienne. Pour que les femmes ne soient plus « ce bétail humain qu’on écrase et qu’on vend », Louise Michel a connu le bannissement. Pour avoir revendiqué le droit de vote des femmes et leur égalité économique, Hubertine Auclert a pris tous les risques. Pour que les femmes puissent enfin disposer librement de leur corps, Gisèle Halimi, Simone Veil et d’autres avec elles ont été traînées dans la boue. Pour que les femmes s’autorisent à penser une voie possible hors du patriarcat, Simone de Beauvoir ou Monique Wittig ont subi les moqueries et les controverses les plus violentes, quand on ne leur a pas imposé le silence. Pour porter le combat en faveur de la parité en politique et dans la vie économique, Yvette Roudy a dû déployer toute sa ténacité.

À toutes ces femmes illustres, il faut ajouter le cortège de femmes anonymes ou célèbres qui ont mené des grèves, reçu des coups, défendu leurs droits, ou dit : « moi aussi », pour dénoncer les viols, les violences, l’inceste qu’elles ont subi parce qu’elles étaient des femmes.

Nous sommes admiratives et admiratifs de leur courage. Nous voulons en être dignes. Nous le devons.

Le fait est que nous ne l’avons pas toujours été.

Entre féminisme et socialisme, l’intimité est historique.

Elle a permis d’inscrire dans la loi les droits reproductifs. Elle a fait avancer les droits politiques. Elle a ouvert la porte de l’égalité professionnelle et salariale. Elle a conduit la lutte pour l’abolition du système prostitutionnel. Dans les territoires où des socialistes exercent le pouvoir, ils et elles luttent contre la précarité des femmes, œuvrent à leur accès aux soins, aménagent l’espace public pour qu’il soit partagé, développent des offres de garde pour que les femmes ne soient plus cantonnées à leur rôle de mère, se démènent pour qu’elles se forment, profitent de la vie culturelle, associative ou sportive. En un mot, les socialistes agissent pour que les femmes puissent vivre mieux et soient respectées. et soient respectées

Mais il faut le dire aussi, le socialisme a d’abord cantonné les femmes et le féminisme à l’espace reproductif. Jusqu’à la première moitié du XXe siècle, il estimait que l’espace productif était du seul ressort des hommes. Pour lui, la question sociale était prioritaire sur tout et la place des femmes était considérée comme une question “sociétale” par beaucoup. Il n’a interrogé sa pratique du pouvoir et tous ses attributs virilistes que sous la pression des militantes. Il lui arrive encore de reproduire et

de perpétuer cette culture. En un mot, le socialisme a longtemps accompagné un système dans son ouverture à l’égalité entre les femmes et les hommes, en cherchant d’abord à remettre les droits des femmes au niveau de celui des hommes. Il a pansé et compensé, corrigé et réparé, mais il n’a pas rompu. C’était peut-être une étape nécessaire. Mais l’heure n’est plus à l’accompagnement. L’heure est à la rupture. Elle est à la radicalité.

La révolution #MeToo l’a révélé. Elle constitue l’un des principaux bouleversements de ce premier quart de siècle. Elle a rendu visible l’ampleur des violences sexistes
et sexuelles, dont beaucoup n’avaient pas pleinement conscience. Elle a imposé une réflexion globale sur l’ordre patriarcal. Elle a conduit des hommes à regarder leurs privilèges en face. Ces réflexions existaient déjà en société. Et #MeToo ne signifie pas que la convergence des genres est parfaitement achevée. Beaucoup d’hommes n’ont pas encore compris qu’il était nécessaire d’interroger leur conception de la masculinité. De fait, les femmes n’ont pas cessé le combat pour leurs droits et leur voix, ici et ailleurs. Mais cette révolution, par son envergure et sa radicalité, a changé la donne. Elle a suscité un espoir et une attente sans précédent.

La pandémie de Covid a elle aussi constitué un tournant. Avec le confinement, chacune et chacun a pris conscience que les métiers les plus indispensables à la société étaient aussi les moins reconnus et les moins considérés. Toutes et tous ont pu constater que ces travailleurs de première ligne étaient surtout des travailleuses. Certaines d’entre elles occupaient déjà les ronds-points pour défendre la dignité de leur vie et celle de leur métier. Sans infirmières ni aides-soignantes, sans aides à domicile ni caissières, logisticiennes ou caristes, sans enseignantes, sans toutes
les femmes qui ont cumulé la gestion des tâches domestiques et le télétravail, souvent jusqu’à l’épuisement, la société n’aurait pas tenu. Et si la société tient encore aujourd’hui, c’est parce qu’elles sont là, et non grâce à l’ordre établi, arrivé à bout de souffle.

La prise de conscience écologique s’est accompagnée d’une dimension genrée : face au dérèglement climatique, il est établi que les femmes courent davantage de risques que les hommes. Il nous faut donc poser les bases d’un écoféminisme dans toutes ses dimensions.

2027 doit donc être un moment charnière de la transition féministe. C’est un chemin à tracer au pouvoir autant qu’un chemin qui nous mènera vers le pouvoir.

Les reconquêtes et les victoires de 2026 permettront de le préparer. C’est dans nos villes que s’élaborent et s’éprouvent déjà les radicalités nouvelles. Elles sont le laboratoire de la rupture avec l’ordre patriarcal.

La lutte est déjà rude. Elle sera longue.

Il faudra soutenir et amplifier le changement des mentalités, l’ancrer dans la durée pour s’assurer qu’aucun retour en arrière ne soit possible et achever la convergence des genres au plan économique et social. Et nous le porterons ailleurs dans le monde. Ce mouvement a déjà commencé. La prochaine étape sera européenne, en 2024. C’est la voie et la méthode que ce texte propose de suivre.

La lutte se mènera d’abord sur le terrain, car des pans entiers, à l’échelle du pays, n’ont en réalité que très peu progressé quand ils n’ont pas régressé. Le sexisme le plus ordinaire, le plus brutal, perdure ou se développe dans des entreprises, des administrations, des territoires. Concentrés sur les batailles législatives ou symboliques, justes et utiles, nous n’avons pas assez mené la bataille dans les quartiers, les villages, les PME, les services publics. Il ne faudra plus lâcher aucun terrain.

La lutte sera rude, parce que les forces de la réaction savent tout ce qu’elles ont à perdre d’une rupture avec l’ordre patriarcal. Le changement des mentalités a réveillé l’hostilité de l’extrême droite et des conservateurs parfois alliés avec elle. Droite et extrême droite ne se contentent pas d’exprimer leur aversion à coups de tribunes dans la presse. Partout où elles arrivent au pouvoir, elles détricotent avec méthode les droits des femmes. Elles cultivent et entretiennent la culture viriliste, banalisent la violence masculiniste, attisent la haine contre les personnes LGBTQI+. Elles savent se montrer insidieuses : tout en sapant les droits des femmes, elles se prétendent leur meilleure alliée. Ce n’est qu’un prétexte pour s’en prendre à nouveau aux minorités. Elles savent s’abriter derrière cet écran de fumée. Nous devons et devrons le dissiper.

L’enjeu est d’autant plus crucial qu’après dix ans au pouvoir, les libéraux auront achevé de se faire les maîtres de l’illusion en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. En 2017, ils l’ont élevée au rang de grande cause nationale. Qu’en ont-
ils fait ? Tous leurs actes ont démontré le contraire. Les femmes les plus précaires sont les premières à subir les conséquences de leurs choix politiques. Les femmes sont pénalisées par leur réforme de l’assurance chômage et du Revenu de Solidarité Active (RSA). L’accès au soin des femmes a été fragilisé par leur politique de santé. Et qui, sinon les femmes, sont les premières victimes de leur réforme des retraites ? La grande cause nationale voulue par Emmanuel Macron n’était au fond qu’une grande causerie. Les faux espoirs du début pourraient bien céder la place au désespoir. Et c’est aussi contre le désespoir que nous avons à lutter.

La lutte sera longue parce qu’il nous faudra convaincre les féministes de lutter ensemble dans la même direction. Sans céder un pouce de terrain sur l’universalisme qui fonde notre engagement, notre mission est d’accueillir, de fédérer pour que notre énergie se concentre d’abord sur l’essentiel : abattre le patriarcat, faire advenir l’égalité réelle.

La lutte sera longue, enfin, parce qu’elle appelle les socialistes, et toute la gauche avec eux, à être exemplaires. La rupture avec l’ordre patriarcal est aussi un enjeu pour nos formations politiques. Elle appelle à repenser notre rapport au pouvoir, à faire évoluer nos modes d’organisation et de désignation, à poursuivre avec intransigeance notre tolérance zéro contre les violences sexistes et sexuelles en politique, à nous former, à changer.

Oui, la lutte sera rude et longue. Mais pour l’engager, nous ne sommes pas seuls. Les mouvements féministes nous précèdent. Le monde académique continue d’enrichir la réflexion sur les effets de la domination masculine. L’enquête féministe que nous avons menée au printemps et à l’été 2023 nous a donné à voir ce qu’attendait la société et ce qu’elle était prête à porter. Partout en France, des femmes travaillent déjà à la transition. Dans leur entreprise, en négociant pour faire évoluer les conditions de travail qui pèsent d’abord sur les femmes. Dans leur quartier ou dans leur commune rurale, en se mobilisant pour maintenir un service public ou pour qu’un commerce soit ouvert. Dans leur entourage, en se levant contre un propos sexiste ou en protégeant ici une proche, là une inconnue, victime de violences. Dans la vie associative ou dans les comités sportifs, en bousculant un ordre encore trop masculin. Des hommes, qui ont mesuré tout le potentiel émancipateur de l’égalité entre les genres se font leurs alliés. C’est avec toutes ces femmes que nous mettrons en œuvre la transition féministe. C’est pour elles que nous le ferons.

Parce que le temps des femmes est venu.

Lire le texte proposé au vote des adhérent.es

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