En France, bien que plus nombreuses que les hommes, les femmes sont moins présentes dans les postes à responsabilité, dans les médias et certains métiers leurs semblent encore interdits. A qui la faute ? A un système de domination masculine et à des phénomènes d’auto dénigrement ont expliqué, le 22 septembre Marine Bruneau, autrice de « les légitimes », Clarisse Réalé, ambassadrice du réseau des femmes élues du Finistère et secrétaire fédérale du PS à l’égalité femmes/hommes, Sylvie Orbe, formatrice et Morgane Lateb, cheffe d’entreprise, à l’occasion d’un apéro-débat organisé par Nicolas Croguennec au Gwennili, café-librairie au Faou.
La longue marche vers l’égalité
« J’ai pris l’initiative de cette rencontre après avoir rencontré Marine Bruneau » a expliqué Nicolas Croguennec. « Je veux que ma fille puisse s’épanouir dans une société où elle aura les mêmes droits que les garçons. Une société où ce ne sont pas systématiquement les mères qui prennent des jours de congés lorsque que l’enfant est malade ».
Dans l’histoire des rapports de domination entre les hommes et les femmes, l’invention de l’agriculture et la sédentarisation marquent une rupture. La « répartition » des rôles, imposée par les hommes, a maintenu, les femmes dans une situation de dépendance, accentué par la suite par les religions.
Même si, en France, la législation abolit les différences et consacre l’égalité entre les femmes et les hommes, on ne revient pas sur des siècles de domination en quelques années. Le droit de vote n’a été gagné qu’après la seconde guerre mondiale et le droit de travailler ou de posséder un compte en banque, sans l’accord de l’époux, que dans les années 60.
« Majoritaires, les femmes sont pourtant sous représentées dans la société. Dans les médias, elles ne représentent que 20% des « experts » qui interviennent dans les médias. Dans les livres scolaires d’histoire, on ne trouve que 13% de personnages féminins. » a rappelé Marine Bruneau. « En outre, plus que les hommes, les femmes ont tendance à se dévaloriser, à douter de leurs capacités, à souffrir du syndrome de l’impostrice. » C’est pour comprendre, dénoncer et lutter contre ce phénomène qu’elle vient de publier « Les légitimes » ( éditions Coop Breizh)
Alors que la loi sur la parité a été votée par le gouvernement de Lionel Jospin, les conseils municipaux ne sont constitués que de 42% d’élues contre 58% d’élus. « En Bretagne on ne compte que 20% de femmes maires. De plus, dans la répartition des responsabilités, les adjointes sont principalement cantonnées dans les secteurs de l’action sociale, de l’enfance, de la culture ou de la communication » a souligné Clarisse Réalé. « Seules 10 % des adjoints en charge de l’urbanisme sont des femmes ».
« Pourrais-je concilier vie de famille, vie professionnelle et engagement municipal ? »
Tête de liste aux dernières municipales à Châteaulin, la secrétaire fédérale a pu mesurer la différence de comportements entre les femmes et les hommes lorsqu’elle a composé sa liste. « Dans la plupart des cas, les femmes sollicitées ont répondu qu’elles devaient d’abord en parler à leur conjoint, ou se sont demandées s’ils elles parviendraient à concilier leur mandat avec leur vie professionnelle et familiale. Les hommes se sont très rarement posés ce genre de questions. »
Ce type de réactions sont aussi très fréquentes dans le monde professionnel, a confirmé Sylvie Orbe, formatrice qui accompagne des femmes en reconversion professionnelle et anime des bilans de compétences. « L’exemple le plus criant que j’ai rencontré est sans doute cette mère de famille, qui avait élevé 10 enfants mais ne trouvait pas de compétences à mettre en avant ».
Il faut s’imposer dès le début et ne rien laisser passer
Aucun métier n’est interdit aux femmes. Morgane Lateb a longtemps travaillé dans le secteur de la santé mais a préféré se reconvertir comme carreleuse. « C’est parfois difficile physiquement » a-t-elle reconnu « mais les nouveaux outils permettent de porter des charges lourdes. » En revanche, le regard de certains hommes, au moins pour les pionnières qui entament des carrières dans des métiers exclusivement masculins peut être difficile à supporter. « Au début, lorsque j’arrivai sur un chantier, on me demandait ce que je cherchais. La seule solution c’est de bien faire son boulot et de ne laisser passer aucun comportement sexiste, pour s’imposer ».
Les témoignages vont tous dans le même sens : lorsqu’une femme commence à travailler dans un environnement exclusivement masculin, elle doit, dès le départ, poser les limites pour éviter d’être ostracisée. « Au début, pour mes collègues, j’étais juste « la fille ». Il a fallu que je hausse le ton pour qu’ils finissent par m’appeler par mon prénom. Sans ça, je n’aurais jamais pu trouver ma place au sein de l’équipe » a indiqué une soudeuse.
« A cet égard, le rôle de l’encadrement est essentiel » a rappelé Marine Bruneau. « La direction de l’entreprise doit offrir un environnement de travail sain, et empêcher les comportements ou les discours sexistes. » Par conséquent, les « calendriers sexy » n’ont pas leur place dans les salles de pause des entreprises, notamment dans les secteurs des transports, de l’automobile ou du bâtiment.
Il y a encore quelques années, les femmes étaient totalement absentes de certains secteurs professionnels. Si les premières « essuient les plâtres », l’intégration des suivantes est plus facile. Les blocages restent cependant puissants, d’où l’importance de ces témoignages pour accélérer la prise de conscience et progresser vers plus d’égalité. Et si, en plus, les salariées savent faire preuve de sororité, la mixité dans le monde professionnel sera bientôt, partout, une réalité.