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đ—šđ—»đ—Č 𝗯𝗼đ—čđ—čđ—Č đ—±đ—źđ—»đ˜€ đ—č𝗼 𝘁đ—ČÌ‚đ˜đ—Č ! 𝗔-𝘁-đ—Œđ—» đ—Œđ˜‚đ—Żđ—čđ—¶đ—Č́ đ—»đ—Œđ˜đ—żđ—Č đ—”đ—¶đ˜€đ˜đ—Œđ—¶đ—żđ—Č ? 

Environ 600 personnes se sont rassemblĂ©es ce matin, sur la place de l’hĂŽtel de ville de Carhaix, Ă  quelques pas des locaux du Poher Hebdo pour soutenir la rĂ©daction de cet hebdomadaire et dĂ©noncer les menaces de mort dont ils ont victimes, ainsi qu’une journaliste de France 3, pour avoir rendu compte du climat dĂ©lĂ©tĂšre que faisait rĂ©gner l’extrĂȘme-droite Ă  Callac, oĂč devait s’implanter un foyer d’accueil pour des rĂ©fugiĂ©s.


« Vous ne nous faites par peur » a lancĂ© Erwan Chartier, rĂ©dacteur en chef du Poher, menacĂ© de mort. « C’est nous la Bretagne, ce ne sont pas eux. Et ici, en Bretagne, nous savons bĂątir des digues pour mettre Ă  l’écart ces marginaux et ces fĂącheux. »
L’extrĂȘme-droite s’attaque toujours aux plus faibles. Le rassemblement de Carhaix, le 25 fĂ©vrier, a montrĂ© que les journalistes menacĂ©s ne sont pas seuls, et qu’ils et elles peuvent compter sur le soutien apportĂ© par les reprĂ©sentant-es du monde politique, syndical et associatif.

A l’issue de plusieurs interventions de reprĂ©sentants de syndicats de journalistes ou de visa 29, collectif syndical contre l’extrĂȘme-droite dans le monde du travail, de la mairie de Carhaix, Jean-Michel Le Boulanger, ancien vice-prĂ©sident de la rĂ©gion Bretagne a rappelĂ© que la libertĂ© de la presse, pilier de la dĂ©mocratie, est toujours fragile et doit toujours ĂȘtre dĂ©fendue face aux fanatismes et Ă  l’intolĂ©rance.

Voici le texte de son allocution :

« J’interviens ici Ă  la demande d’Erwan Chartier et du collectif qui l’entoure. Je suis Jean Michel le boulanger et je n’ai d’autre lĂ©gitimitĂ© que de rĂ©pondre Ă  l’amicale demande d’Erwan.

Ainsi donc, aujourd’hui, en Bretagne, on promet une balle dans la tĂȘte Ă  un journaliste libre, Erwan Chartier, Ă  un journal libre, le Poher qui regroupe des journalistes qui font librement leur travail.
Une balle dans la tĂȘte. C’est jean JaurĂšs le 31 juillet 1914. Une balle dans la tĂȘte de celui qui Ă©tait journaliste, qui avait crĂ©Ă© l’humanitĂ© et qui est tombĂ© ce 31 juillet assassinĂ© par un nationaliste fanatisĂ©.
Une balle dans la tĂȘte. C’est Jean Zay. Le 20 juin 1944. Lui aussi, Jean Zay, avait Ă©tĂ© journaliste au dĂ©but de sa carriĂšre professionnelle et il est tombĂ©, Jean Zay, grande figure du radicalisme, assassinĂ©, une balle dans la tĂȘte par la milice.
Une balle dans la tĂȘte. C’est George Mandel le 7 juillet 1944. Georges Mandel, une grande figure de la droite rĂ©publicaine, tombĂ© lui aussi, une balle dans la tĂȘte sous les coups de la milice.
« Une balle dans la tĂȘte. On va te crever et te jeter dans une fosse avec les nĂ©gros que tu aimes tant ». Cela rappelle les propos de Charles Maurras sur LĂ©on Blum. Un journaliste aussi. LĂ©on Blum, « dĂ©tritus humain, Ă  traiter comme tel. C’est un homme Ă  fusiller mais dans le dos. » C’était Charles Maurras. Et c’est l’histoire toujours recommencĂ©e de la vieille extrĂȘme-droite qui n’a jamais acceptĂ©e la RĂ©publique, la libertĂ© de conscience, la libertĂ© de la presse, la libertĂ© de la crĂ©ation et ces mots qui apparaissent au fronton de nos mairies : libertĂ©, Ă©galitĂ©, fraternitĂ©.
C’est l’histoire toujours recommencĂ©e de l’intolĂ©rance, du refus de l’autre, du refus de la diversitĂ©. Une balle dans la tĂȘte, c’est Charlie hebdo, c’est Samuel Paty, c’est le pĂšre Hamel assassinĂ© par des barbares sectaires, intransigeants, totalitaires. Ces fanatismes qui veulent la mort de l’autre, l’impur, le mĂ©crĂ©ant, l’infidĂšle. L’autre ne me plait pas : je le tue. Cette voix ne me plait pas, je la fais taire.
La vielle extrĂȘme droite française a beaucoup de points communs avec tous ceux qui, partout dans le monde, s’arque boutent et se crispent autour de nationalismes et de religions fantasmĂ©es. Et, ici et maintenant, comme jadis et partout, il nous faut continuer Ă  dire et Ă  rĂ©pĂ©ter qu’une dĂ©mocratie vivante ne s’arrĂȘte pas aux Ă©lections. Une dĂ©mocratie vivante c’est le dĂ©bat, c’est le pluriel, c’est l’acceptation de l’autre, la libertĂ© de conscience et donc, au creuset mĂȘme du projet, la libertĂ© de la presse dans le respect des lois.
Tout cela est si fragile. Rien n’est acquis, rien n’est jamais acquis. L’histoire est peuplĂ©e d’atteintes et de coups portĂ©s Ă  cette libertĂ© d’expression et notre actualitĂ© en dĂ©borde. Regardons au cours des jours derniers, ici et lĂ , dans le monde alors que le Poher Ă©tait menacĂ©. Il y a quelques jours Ă©tait crĂ©Ă© un comitĂ© de soutien au journaliste Mortaza Behboudi dĂ©tenu en Afghanistan depuis le 7 janvier par les Talibans. Le 14 janvier, descente de Talibans dans les locaux d’une chaine de tĂ©lĂ©vision Ă  Kaboul. Le personnel est frappĂ©, des journalistes sont emprisonnĂ©s. Le 16 fĂ©vrier, la journaliste russe Maria Ponomarenko condamnĂ© Ă  6 ans de prison pour un article qui dĂ©nonçait la guerre en Ukraine. Dans cette Russie d’aujourd’hui les « fausses informations » et je mets Ă©videment des guillemets, sont passibles de 15 ans de prison. Le 18 fĂ©vrier, sortie sur Arte de l’enquĂȘte de reporters sans frontiĂšre sur l’exĂ©cution sommaire par l’armĂ©e russe du journaliste ukrainien Maks Levin. Le 21 fĂ©vrier, en Éthiopie, suspension de 15 mĂ©dias.
Partout, dans le monde la démocratie est un combat. Et ce combat, commence à notre porte. En soutenant le Poher, en soutenant Erwan, en soutenant France 3, face à toutes les agressions et les menaces dont ils sont victimes, comme nous avons soutenu hier Morgan Large, une autre journaliste elle aussi agressée. Et comme nous devons soutenir la liberté de la presse face à toutes les censures, politique mais aussi économiques qui viennent peu à peu grignoter cet espace de débats et de réflexions.

C’était la premiĂšre chose que je voulais vous dire. Mais il y en a une seconde. Revenons Ă  l’origine de ces menaces. A l’origine de ces menaces, la peur de l’autre, fantasme habituel de la vieille extrĂȘme droite. Et il faut aussi faire quelques rappels liĂ©s Ă  l’histoire. Depuis le 19e siĂšcle, n’ayons pas la mĂ©moire courte, cette vieille extrĂȘme droite a rejetĂ© les Italiens et les Polonais, puis elle a rejetĂ© les AlgĂ©riens et les « nĂšgres » de toutes les Afriques dans les recoins de ses haines et de ses ressentiments. On nous dit aujourd’hui que les nouvelles gĂ©nĂ©rations d’immigrĂ©s ne peuvent pas s’intĂ©grer car ils sont ou seraient musulmans, pour la grande majoritĂ© d’entre eux. Contrairement aux vagues prĂ©cĂ©dentes d’immigrations. Mais a-t-on la mĂ©moire si courte ? A-t-on oubliĂ© le pogrom anti italiens d’Aigue Morte en 1893 ? 10 morts aux cris de mort aux Italiens. A-t-on oubliĂ© la stigmatisation anti-polonaise des annĂ©es 20 ? le racisme anti Espagnols ? Le racisme anti-Portugais de l’entre-deux guerres ? Et les Roms ? Et les Juifs ? et Vichy ?


A-t-on oubliĂ© notre histoire ? Ces millions d’immigrĂ©s ont construit ce pays qui est le nĂŽtre. Ouvriers, mineurs de fond, crĂ©ant nos routes et nos rĂ©seaux ferrĂ©s, bĂątissant nos villes, chargeant nos camions poubelles, nettoyant nos rues. Et nombre d’entre eux, ici comme ailleurs, en Bretagne comme dans tout l’hexagone se sont aussi engagĂ©s dans les combats de nos libertĂ©s. Doit-on rappeler les noms de l’affiche rouge ? Doit-on rappeler le nom de Manouchian et des siens ? Tous migrants, tous rĂ©fugiĂ©s, tous rĂ©sistants, tous fusillĂ©s le 21 fĂ©vrier 1944, il y a 79 ans. Doit-on rappeler les noms de Picasso, Soutine ou Modigliani ? de Fujita Chagall ou Apollinaire ? Tous des migrants. Doit-on rappeler le nom de Gambetta, de Zola et celui de Marie Curie ? Doit-on rappeler Kopa, Platini ou Zidane ? A-t-on oubliĂ© que la France libre Ă©tait Ă  Londres et que De Gaulle Ă©tait un rĂ©fugiĂ© ? A-ton oubliĂ© l’accueil des populations de l’Est et du Nord de la France durant les deux guerres mondiales Ă  Carhaix, dans le FinistĂšre et partout. A-t-on oubliĂ© que nous sommes tous, vous et moi, tous, peu ou prou, issus de vagues de migrations. Seule change la date.
Pour conclure, revenons Ă  nos essentiels : la libertĂ© de la presse est un fondement de nos dĂ©mocraties. Un socle. Les journalistes, en conscience font Ɠuvre d’informer leurs concitoyens. Ils travaillent au quotidien pour cette belle utopie qui les dĂ©passe. Il ne faut pas se dĂ©gonfler. Il faut rappeler cet essentiel lĂ  et notre responsabilitĂ© Ă  tous, et Ă  toutes qui est de les soutenir avec ardeur, et sans faiblesse. Notre responsabilitĂ© est de donner vie Ă  ce propos prĂȘtĂ© Ă  Voltaire : « Je ne partage pas vos idĂ©es, mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer ». Oui la libertĂ© de la presse peut gratter parfois. Évidement. Elle nous gratte, elle nous irrite parfois et quand on est Ă©lu, je l’ai Ă©tĂ©, on est parfois, un peu chagrinĂ© le matin au petit-dĂ©jeuner quand on lit la presse quotidienne rĂ©gionale ou les hebdomadaires qui font la Bretagne. Eh bien, quand elle gratte et quand elle irrite la presse, rappelons-nous toujours la rĂ©ponse d’AndrĂ© Malraux, aux dĂ©putĂ©s qui souhaitaient la censure de Jean Genet. Il avait dit Ă  l’AssemblĂ©e Nationale : « la libertĂ© pour vous n’a pas toujours les mains propres, mais je vous invite Ă  rĂ©flĂ©chir par deux fois avant de la jeter par la fenĂȘtre ». Il faut toujours rĂ©flĂ©chir par deux fois mĂȘme si l’on pense que la libertĂ© n’a pas les mains propres.

Merci Ă  Erwan Chartier. Merci aux journalistes du Poher et de France 3, aujourd’hui menacĂ©s. Merci Ă  tous les membres de cette profession, symboles de notre dĂ©mocratie, reprĂ©sentĂ©s tout Ă  l’heure par ses dĂ©lĂ©guĂ©s syndicaux. Ils font vivre au quotidien une certaine idĂ©e de l’égalitĂ©, de la libertĂ©, de la fraternitĂ© et face aux passions tristes, des racistes xĂ©nophobes et apprentis fascistes, aimons la vie, aimons le dĂ©bat, aimons la culture, aimons la diversitĂ© et aimons la musique. »

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