Au lendemain de l’adoption de la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse, Simone de Beauvoir avait répondu à Claudine Monteil qui lui disait « On a gagné ! » : « Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilante.”
Rendre la transition féministe irréversible
Cet avertissement, en forme de prémonition, inspire toujours les Féministes qui savent que les droits durement acquis peuvent toujours faire l’objet de backlash. On en a encore eu la démonstration lorsque la cour suprême américaine a permis à des états de revenir sur le droit à l’avortement, ou lorsque le retour au pouvoir des Talibans s’est traduit par l’interdiction d’étudier pour les Afghanes.
Le 23 novembre, c’est à plusieurs voix, et en visioconférence, que les secrétaires fédérales bretonnes à l’égalité femmes/hommes ont présenté le texte « le temps des femmes » qui sera soumis au vote des adhérent.es le 30 novembre. Les conventions fédérales qui suivront adopteront les amendements des sections et la convention nationale de ratification se tiendra le 9 décembre.
Être socialiste c’est être pour la rupture avec les logiques de domination
« Nous avons l’ambition de rompre avec le patriarcat, d’engager la transition féministe de manière irréversible » a résumé Geneviève Letourneux. Les Socialistes ont toujours été au rendez-vous du féminisme avec le droit de vote, l’IVG, les lois sur l’égalité professionnelle, la parité, la lutte contre la prostitution…En interne, il est le premier parti à s’être doté d’une commission indépendante chargée de soutenir les victimes de discriminations et de dénoncer les pratiques ou les paroles sexistes.
« Mais pendant longtemps, nous nous sommes contentés de réparer les injustices » a reconnu la secrétaire fédérale à l’égalité femmes/hommes en Ille et Vilaine. « Avec ce texte, nous voulons aller plus loin et engager la transition féministe pour transformer la société. »
La convention « le temps des femmes » intervient à un moment particulier. #MeToo a permis une prise de conscience contre les agressions sexistes. Le confinement a mis en évidence l’importance de certaines professions, très féminisées. Les femmes sont les plus exposées aux conséquences de la crise climatique. En parallèle, le courant masculiniste au sein de l’extrême-droite se renforce et cherche par tous les moyens à réduire les droits des femmes.
Ce n’est pas du côté des Libéraux qu’il faut attendre un soutien. Tous les espoirs étaient permis au début du premier quinquennat Macron. L’égalité femmes/hommes devait être une grande cause nationale. Mais force est de constater que les discours n’ont pas été accompagnés de mesures ambitieuses pour lutter contre les violences ou pour réduire les écarts de salaires.
C’est donc à la gauche, et en particulier au Parti Socialiste de mener le combat féministe. Le texte de la convention nationales se présente en 4 parties : soutenir et amplifier les changements de mentalité, ancrer le changement dans la durée, achever la convergence des genres, conjuguer féminisme et progrès social pour vivre mieux et promouvoir une Europe et une diplomatie féministe.
Pour une meilleure représentation des femmes
« Pour ancrer la transition féministe dans la durée, nous nous appuierons sur 3 piliers » a expliqué Annie Guillerme : la formation, en particulier des personnels intervenants auprès des enfants, une meilleure représentation des femmes dans toutes les instances de décisions, et une législation renforcée, notamment en constitutionnalisant le droit à l’avortement ou en établissant des budgets genrés ou la conditionnalité des aides aux associations et entreprises qui s’engagent à respecter l’égalité entre les femmes et les hommes. « Dans le domaine du sport, cette éco-conditionnalité permettra aux femmes d’accéder aux postes de responsabilité alors qu’elles sont aujourd’hui très minoritaires dans instances dirigeantes des clubs ou des fédérations » a insisté Renée Mazeos, élue de Saint-Brieuc.
Les 2/3 des femmes touchent le SMIC. Ce sont elles qui occupent majoritairement les emplois à temps partiel, le plus souvent subis, a rappelé Sandrine Berthier, secrétaire fédérale à l’égalité femmes/hommes dans le Morbihan. « Le temps des femmes » doit se traduire par une augmentation de leurs revenus et de leurs conditions de vie. C’est pourquoi une augmentation du SMIC bénéficiera d’abord aux salariées.
La prise en compte des spécificités féminines en matière de santé est indispensable, notamment en ce qui concerne la santé mentale : le nombre de tentatives de suicides a augmenté de 22% chez les filles entre 15 et 29 ans tandis que le chiffre reste stable pour les garçons.
Pour une Europe et une diplomatie féministe
Le féminisme dans un seul pays n’a pas de sens a expliqué Clarisse Réalé, secrétaire fédérale à l’égalité femmes/hommes dans le Finistère, en présentant la 4e partie du texte intitulé pour une Europe et une diplomatie féministe. L’offensive contre les droits des femmes est mondiale, menée par un consortium politique et religieux, concerne tous les pays. Dans le monde, chaque heure, 5 femmes sont victimes de violences sexuelles. Le viol devient systématique dans les guerres. 90% des migrantes ont subi des agressions sexuelles. La France, dans les instances internationales, doit dénoncer ces crimes et tout faire pour les empêcher et pour condamner leurs auteurs.
Les Européennes doivent pouvoir compter sur l’UE pour faire avancer leurs droits et les protéger. A condition que les États n’entravent pas ses initiatives. Le parlement européen a adopté un texte contre les violences sexuelles, définissant le viol comme l’absence de consentement. Mais le gouvernement français s’y oppose. « Nous proposons également que l’Europe fasse un décompte officiel des féminicides, réglemente plus sévèrement les réseaux sociaux et internet pour lutter contre la pornographie et se dote d’un numéro d’appel, comme le 3919, pour toutes les Européennes. »
Le Parti Socialiste doit être exemplaire
Le débat qui a suivi cette présentation a permis de faire ressortir quelques éléments que les Socialistes breton.nes veulent mettre en avant. A commencer par l’écriture inclusive. Son usage, comme son rejet, en particulier par des élu.es de droite, correspondent à des marqueurs politiques forts. Dans ce domaine, le PS se doit d’être exemplaire.
Tout comme il se doit de l’être dans les désignations de ses candidat.es ou par rapport à tous les comportements ou propos sexistes. « A cet égard, il pourrait se doter d’une charte des bonnes pratiques » a suggéré Clarisse Réalé.
La féminisation de tous les métiers est-elle possible ? On peut voir, en particulier en Bretagne ces dernières semaines, que se sont plutôt des hommes qui interviennent pour panser les dégâts provoqués par Ciaran, pour élaguer les arbres abimés ou réparer le réseau électrique ou téléphonique.
Cette réalité n’invalide pas la démarche engagée par le PS. Au contraire, puisque cette situation est le fruit du sexisme systémique qui assigne certaines professions à chaque genre. « Les hommes ont accès à 70% des typologies de métiers et les femmes à 30% » a rappelé Clarisse Réalé. Et parmi ces 30% on trouve surtout les métiers du care parce que, dès l’enfance, on apprend aux filles à jouer à la poupée, à s’occuper des autres, à être gentilles, tandis que les garçons sont encouragés à être « forts ».
C’est bien un programme ambitieux qui sera proposé jeudi au vote des adhérent.es. L’adoption de ce texte fera du PS le parti le plus féministe, prêt à engager la transition féministe.
Lire le texte soumis au vote des adhérent.es